Quand la flamme embrasse l'art.

Dans la soirée, on a vu Ambre et son confrère Tardo partir pour les faubourgs.
Après une tentative infructueuse de traversée et un bain forcé qui démontrèrent que Tardo n'avait pas le pied marin, les deux artistes se dirigèrent vers une masure calcinée non loin d'une patûre où se nourrissaient des boeufs. A peine arrivés, ils entamèrent une ritournelle, qui à la guitare, qui au violon.

La brume se leva autour d'eux quand un spectre pris formes et volutes devant leurs yeux quelque peu effrayés. Il leur demanda d'arrêter, mais ils s'entêtaient, un chant sacré selon le spectre.

ARRÊTEZ ! OU JE VOUS TUE ! tonna le spectre alors que des flammes les entouraient peu à peu.

Leur mission était de libérer cette âme, et ils continuaient, malgré la chaleur, malgré la peur.

Oui ! Oui ! les flammes ! la fournaise ! et il ne restait rien que ce air ! continuez ou vous mourrez !

Ils continuaient et les couacs s'amoncelaient jusqu'à ce qu'elle craque et casse le morceau cherchant à s'enfuir. Peine perdu, le spectre était furieux.

Je vous laisse une dernière chance de sauver vos vie ! mais vous devez jouer cet air de manière parfaite !

Ils recommencèrent, mais leur solitude apeurée et les flammes de fournaise rendaient les manches et les doigts glissants, les sons distordus. Les artistes donnaient leur sueur autant pour lutter contre la chaleur et la peur, ils donnaient leurs son, ils donnaient leur art pour libérer l'âme, pour sauver leur vie.

La prestation fut loin d'être mémorable artistiquement parlant, trop de fausses notes, trop de cafouillage. Mais le spectre dans une ultime volute les remercia d'avoir joué pour lui, de lui avoir offert le repos. Les flammes s'éteignirent doucement, la masure même disparue, ultime vestige d'une catastrophe qui avait torturé l'âme d'un certain Alceste, amoureux de l'art de Findrael le barde elfique.

Une fois la tourmente passée, tremblante, Ambre planta Tardo sur place et se précipita en ville. Elle interrompit une réunion certainement importante à l'Oeil de Syphère pour se réfugier dans une pièce annexe, verrou tiré une barde la berçant dans les pleurs de sa détresse.
Le choc certainement, mais... ce manque d'assurance n'était-il pas du fait de Scylla, ne s'était-elle pas détournée d'elle ?