[Lauralee] Les yeux de l'âme

Dernière édition par Neurasthénie le Sam 23 Oct 2010 - 14:13, édité 1 fois

_ Ah et il y a aussi un article sur le tournoi organisé à l'auberge du Pont.
_ Non, j'y étais, ça ne m'intéresse pas. Merci pour la lecture.

La vieille Doriane referma l'Oeil de Syphère et reprit sur un ton soudainement plus grave :
_ Alors, tu l'as eu ton fameux signe ?
_ Oui, répondit Lauralee en souriant.
_ Qu'était-ce ?
_ Un homme que tu ne connais sûrement pas. J'étais assise sur le banc, au quartier marchand, comme d'habitude. Puis, tandis que j'étais justement en train d'y réfléchir, il m'a demandé si je voulais bien l'accompagner dans une expédition dangereuse pour soigner les blessés.
_ Une expédition dangereuse ?!
_ Ce n'est pas ça qui compte. L'important est que j'ai reconnu le signe.
_ Tu vas donc le faire ?
_ Oui.
_ Quand ?
_ Très prochainement. J'ai juste peur qu'on refuse mon aide, à dire vrai. Ils ont sûrement déjà beaucoup de personnel et ce n'est pas ma cécité qui jouera en ma faveur.
_ N'importe quoi ! Tu guéris bien plus de gens que la plupart des charlatans ! Ca ne te coûte rien d'essayer !
_ C'est vrai. Mais ne t'emballe pas trop quand même...
_ Non, non, bien sûr que non, sourit Doriane.

La vieille femme se leva ensuite de la chaise avant de sortir de la chambre de Lauralee, lançant d'un air extatique, pour elle-même : "Alala... Ma fille va entrer à l'Hopital ! "

Ce jour là Lauralee rentra chez elle bien plus rapidement qu’à l’accoutumée, cherchant sa mère aussitôt la porte de la maison ouverte :
_ Oui ! Oui, j’arrive ! Qu’est-ce qui se passe ?
_ Tu peux me la lire, s’il te plait ?
_ Qui t’a donné ça ?
_ Un collègue, à l’hôpital.

La vieille Doriane s’essuya les mains sur son torchon avant de se saisir de la lettre. Après avoir fait asseoir Lauralee sur un fauteuil, la vieille femme entreprit de lire la missive. Quelques minutes s’écoulèrent, laissant place à un silence de plus en plus pesant dans la pièce. Lauralee pouvait entendre le bruit d’un papier froissé, et la respiration accélérée de sa mère, assise juste à côté d’elle. Si une autre personne s’était trouvée dans la pièce, elle n’aurait pas pu ne pas remarquer le changement de couleur de Doriane, dont les joues ordinairement rouges étaient devenues d’une pâleur inquiétante.
_ Maman ? C’est si long ?
_ Oh non… c’est très bref, soupira sa mère.
_ Qu’est-ce que ça dit ?
_ Je ne veux pas que tu y ailles.
_ Qu’est-ce que ça dit ?
_ « Lauralee, apprentie guérisseuse, est mandée en la Tour des Ames perdues par le Grand Thaumaturge Adriem Sekt, et ce dans les plus brefs délais. » Qu’est-ce qu’il te veut, lui ?
_ Je ne sais pas. Je lui ai parlé brièvement à la cérémonie de l’homma…
_ … tu as quoi ?! Tu lui as parlé ?
_ Nous avons déjà eu cette conversation plusieurs fois, inutile de tourner en rond. Je vais chercher le lait.

Lauralee se redressa rapidement et se dirigea en direction de la porte d’entrée qu'elle ouvrit, laissant un rayon de soleil vif pénétrer dans la pièce sombre. Sa mère, qui ne lâchait jamais prise, haussa le ton en direction de sa fille « Tu n’iras pas là-bas ! ». Lauralee attrapa son bâton et s’éloigna de chez elle après avoir répondu d’un air déterminé « J’irai. ».

Tard dans la nuit, dans un recoin de l'hôpital.

L’homme émit un hoquet de surprise : « ooooh c’était donc vrai !». Il observait une elfe aux traits magnifiques, allongée sur un lit. Debout, Lauralee lui écartait d’un geste doux ses cheveux blancs d’une main tandis qu’elle épongeait son front de l’autre. La jeune aveugle se retourna d’un mouvement rapide, mouvement qu’elle regretta aussitôt lorsque son ventre lui fit une douleur telle que son visage se déforma et qu’elle fut obligée de se courber en deux pour ne pas crier. Elle s’appuya sur une table qui était le support d’un nombre extraordinaire de potions, et se redressa lentement, non sans exprimer une profonde fatigue :
_ Qu…quoi ? Qu’est-ce qui est vrai ?
_ Que Celanil est ici ! Et avec toi ! Euh… je crois qu’elle ne va pas bien là…

Lauralee fit volte-face afin d’examiner sa patiente soudainement secouée de spasmes puis se rua sur une potion située sur la table qui lui servait d’appui. D’un geste rapide et expert, elle ouvrit le flacon d’une main puis en fit boire le contenu à la sombre arcaniste qui cessa aussitôt sa danse douteuse. L’aveugle porta une fois encore la main à son ventre et se laissa glisser sur une chaise située au pied du lit de Celanil. Face à ce spectacle, l’homme reprit :
_ C’est quoi ces potions ?
_ Issues de ma fabrication, sourit fièrement Lauralee.
_ Quand j’ai entendu Grannie en parler, je ne l’ai pas crue…
_ Grannie ?
_ Oui, elle pariait qu’entre tes mains, Celanil ne tiendrait pas trois jours, sourit l’homme, un brin gêné.
_ Elle est jalouse parce que je passe dans le journal.
_ Pourquoi fais-tu tout ça ?
_ Parce que c’est mon travail, répondit-elle en soupirant.
_ Lauralee, je sais que tu la détestes… Et tu as une mine affreuse, ça n’a pas l’air d’aller… Qu'est-ce qui t'est tant arrivé pour être dans cet état ?!
_ Elle m'a fait un doigt de mort après être à l'origine d'une attaque de squelettes qui m'ont pratiquement coupée en deux.
_ Elle... elle... ELLE ?! Celanil ?!
_ Oui.
_ Elle a essayé de... enfin t'a tuée ?! Par Ashen Kai comment es-tu encore de ce monde ?
_ J'ai beaucoup d'amis prêtres et hospitaliers, sourit Lauralee.
_ Cette... cette... diablesse t'a fait du mal et maintenant tu la soignes ?!
_ Si elle meurt, je meurs.
_ Hein ?!
_ Ordre de Maître Sekt. JE dois m’en occuper, et si elle meurt, il me tue.
_ Et le lit là-bas, c’est pour toi ? Tu dors carrément ici ? l’homme fronça les sourcils en parcourant brièvement la pièce du regard.
_ Oui.
_ Essaie de sortir un peu… pour prendre l’air, au moins.
_ Oui, plus que quelques jours quand son état sera à peu près stabilisé et je sortirai. Là il lui faut une potion toutes les deux heures.
_ Toutes les deux heures ?! Mais … bon, il faut que j’y retourne. Si tu as besoin d’aide, n’hésite pas à m’appeler.

L’homme jeta un dernier regard ahuri dans la pièce avant de se diriger vers la porte. Puis, tandis qu’il était en train de la refermer, il osa une dernière question :
_ Lauralee… dis, le Maître Sekt… il ne t’aime pas trop, hein ?
_ Il ne m’aime pas beaucoup en effet, sourit tristement Lauralee.

Sujet: Re: [Lauralee] Les yeux de l'âme Ven 10 Sep 2010 - 8:26

Tandis qu’elle empruntait un dernier couloir, Lauralee croisa les deux tisseuses. En apercevant la jeune aveugle, les deux femmes la saluèrent avec chaleur avant d’ajouter, comme à leur habitude « Alors Lauralee ! Quand est-ce que tu nous laisses enfin visiter ton délicieux esprit ? ». La prêtresse répondit tout en poursuivant sa route « Oh pas encore, pas encore… ». Les deux tisseuses lui rendirent son sourire et s’éloignèrent, ne se doutant pas que celui de Lauralee n’était que de facade. D’accord, elle les aimait bien ces deux là, elle s’entendait même plutôt bien avec, mais parfois, elles lui fichaient vraiment la frousse…

Lauralee sortit de la Tour des âmes les mains pleines de potions, emprunta sa route habituelle et arriva enfin à l’hôpital. Elle monta l’escalier, entra dans une pièce et déposa son arsenal sur une petite table, ne gardant qu’une seule potion en mains. Elle se dirigea ensuite vers le sous-sol et, quelques minutes plus tard, se retrouva enfin devant sa patiente : « Voila dame Bellecour, j’ai enfin votre potion ! Allez, ouvrez bien la bouche… oui, voila, par-fait ! ».

Elle ajusta la couverture de la vieille femme quand son attention fut attirée par les cris d’une autre femme, mais sa voix avait l’air plus jeune, cette fois : « JE VAIS MOURIR ! JE SAIS QUE JE VAIS MOURIR ! » Deux hospitaliers étaient en train de s’affairer autour d’elle, tentant de la calmer et répétant en boucle « Mais non enfin, vous n’allez pas mourir ! Tout va bien, tout va bien ! ». Lauralee demanda à ses confrères ce qu’avait cette femme, et lorsque ceux-ci lui répondirent en chuchotant, la mine de la jeune femme se rassombrit. L’un des deux, qu’elle connaissait bien, lui demanda si elle souhaitait venir prendre la pause du déjeuner avec eux, mais Lauralee refusa, prétextant qu’elle n’avait pas faim. Elle mentait. Son estomac grognait terriblement depuis une bonne heure…
Lorsque les deux hospitaliers eurent quitté la pièce, la prêtresse tira un tabouret vers le lit de la femme hystérique et lui prit la main dans les deux siennes. La malade, étonnée, tourna la tête vers l’aveugle :
_ VOUS AUSSI VOUS ALLEZ ME DIRE QUE TOUT VA BIEN ?
_ Non, vous allez mourir, répondit Lauralee d’une voix douce.
_ Je le savais. A ces mots la femme s’apaisa et commença à pleurer en silence.
_ Priez avec moi, priez le panthéon pour qu’ils se préparent à vous recevoir, sourit Lauralee.
Les deux femmes prièrent alors ensemble, la prêtresse prononçant une bénédiction et la malade se contentant de répéter. Lorsqu’elle en arriva au troisième dieu, Lauralee crut distinguer la voix de deux ou trois personnes dans la salle qui s’étaient jointes à la prière. La jeune femme poursuivit jusqu’à ce qu’aucun dieu ne soit oublié, et lorsqu’elle quitta la salle, elle se rendit compte qu’elle avait saboté sa pause. Elle haussa les épaules en tapotant son ventre, lui demandant d’être encore patient.

Lauralee remonta les étages et se rendit dans la chambre de Celanil, sa patiente principale. Après lui avoir administré les soins nécessaires, elle parla à voix basse, pour elle-même « Veline… cette fois vous avez vraiment fait une grosse bêtise… ». L’air triste, Lauralee se surprit à rester mélancolique de longues minutes, songeant à une de ses plus proches amies, non, sa plus proche amie sans aucun doute, avant de repenser aux mots d’Adriem Sekt « Votre chevalier blanc est revenu. ». Un sourire s’étira alors sur son visage… depuis le temps qu’elle l’attendait !

Sujet: Re: [Lauralee] Les yeux de l'âme Sam 23 Oct 2010 - 14:08

La découverte d'un nouveau don.

Ce jour là Lauralee empruntait un chemin qu’elle connaissait par cœur : la route menant de Sous-colline à Léanbruun. Pourtant, elle n’était pas tranquille. Elle cachait en effet dans son sac une bourse conséquente qu’une halfeline lui avait confiée. La vieille femme ne pouvait le faire elle-même car elle avait trop peur d’être attaquée en chemin. Lauralee avançait donc rapidement, n’ayant en tête que son objectif principal : parvenir au quartier marchand afin de remettre la bourse à la personne concernée.

Tandis qu’elle arrivait au petit moulin, un bruit suspect sur sa gauche attira son attention. Mais trop tard. A peine la jeune prêtresse avait-elle eu le temps de comprendre ce qui se passait qu’elle tomba à terre. Elle sentit une main d’homme frôler son visage et tenter d’atteindre son sac qu’elle tenait toujours contre elle. Terrifiée, elle parvint néanmoins à donner une tape sèche sur la main de l’homme.
L’homme se redressa, éclatant de rire :
_ Mais c’est qu’elle a du répondant en plus !
_ Allez, dépêche-toi… répondit l’autre homme, aux aguets.
_ Co… comment saviez-vous ? demanda Lauralee, sous le choc.
_ Comment on savait quoi ? Que t’allais passer les poches pleines de dragons ?
Lauralee opina vivement. L’homme éclata de nouveau de rire, sous le regard désapprobateur de son acolyte.
_ Ca fait un mois entier qu’on attendait que la vieille se décide enfin à confier sa bourse ! Mais on ne s’attendait pas à ce qu’elle la confie à une prêtresse aveugle… Elle nous a facilité le boulot !
L’homme tenta une nouvelle fois de prendre le sac, mais Lauralee le serra de nouveau. Après un bref « Bon, ça suffit. », l’agresseur sortit une dague de sa botte et la glissa sous la gorge de la jeune femme :
_ On sait qui tu es. On veut pas d’ennuis avec ton maître bizarre, on veut juste les dragons. Donc tu vas gentiment me donner le…
L’homme fut interrompu par Lauralee prononçant des paroles frénétiques, provocant l’apparition d’une araignée gigantesque… que les deux hommes anéantirent rapidement. Le chef du duo héla Lauralee « Quoi ! C’est tout ce que t’envoie ton dieu pour t’aider ? Une araignée ? » Cette fois, les deux hommes éclatèrent de rire ensemble. Le chef du duo s’approcha de la jeune femme, le pas déterminé. Cette fois, il avait perdu toute patience. La prêtresse qui avait eu le temps de se redresser pendant la bataille contre l’araignée se tenait immobile, priant vivement Ashen Kai d’une voix suppliante. L’un des deux hommes poignarda Lauralee à l’épaule, lui faisant lâcher sa bourse. La jeune femme poussa une longue plainte de souffrance, rapidement étouffée par le commanditaire de l’agression qui lui plaqua sa main sur la bouche. Le second malfrat récupéra l’argent et commença à s’éloigner, tandis que l’autre attrapa Lauralee par la taille et déposa un baiser sur ses lèvres, malgré les protestations sourdes de la jeune femme.

Il fut interrompu par la terre qui trembla soudainement. Sentant que le tremblement provenait de derrière lui, l’homme se retourna vivement, et ce qu’il aperçut le figea sur place : trois énormes monticules de terres sortirent du sol, formant un triangle, tandis qu’une colonne de lumière descendit du ciel, avant de laisser apparaître un homme chien à l’épée enflammée. Cette seconde bataille ne dura pas bien davantage que la précédente, à la différence que cette fois-ci, les deux roublards furent vaincus. Majestueux, l’archon canin récupéra la bourse pleine de dragons et s’avança vers Lauralee en silence. Lorsqu’il fut arrivé à sa hauteur, il se mit lentement à genoux devant elle, planta l’épée qu’il tenait de sa main droite au sol et se servit de son autre main pour déposer la bourse dans les mains de la jeune femme. Lauralee, complètement perdue, remercia la créature et entreprit une longue conversation avec elle avant de comprendre qu’il s’agissait d’un nouveau don octroyé par Ashen Kai.

Sujet: Re: [Lauralee] Les yeux de l'âme Mer 3 Nov 2010 - 9:44

L'enlèvement pour la Cause.

Lorsque Lauralee avait exprimé le désir de se promener et avait demandé si quelqu’un désirait l’accompagner, personne n'avait répondu. Lasse de rester sur place elle décida alors de partir seule, après avoir haussé les épaules.

Tandis qu’elle avait quitté la ville depuis plusieurs minutes, elle entendit un homme en armure bondir à ses côtés. Une lame enflammée frôla son visage, la chaleur menaçante stoppa net lauralee qui s’immobilisa immédiatement. L’homme l’apostropha violemment : « Halte là, chienne ! C’est toi la prêtresse d’Ashen Kai ? Le maître veut te voir ! ». Comme l’homme commençait à l’entraîner, Lauralee lui dit qu’elle avait assuré un proche retour à des amis qui l’attendaient en ville, et que ceux-ci risquaient de s’inquiéter. L’homme lui accorda alors de dicter une lettre qu’il écrivit, modifiant certains passages à sa guise et refusant d’autres. Lauralee ne comprit pas comment la lettre arriva à bon port, elle n’eut pas le temps d’y songer car déjà l’homme s’était saisi d’elle par le bras, et la traînait derrière lui au pas de course. Les larmes lui montèrent aux yeux lorsqu’elle sentit les ronces lui déchirer le bas de la robe avant de s’attaquer à la peau de ses jambes.

Au bout de quelques minutes qui lui semblèrent interminables, l’homme cessa enfin sa course et lui ordonna de ne pas bouger, annonçant l’arrivée du Maître. Lauralee était désemparée, même si elle l’avait voulu, elle n’aurait pu fuir bien loin. Elle ne savait pas du tout où elle était et ne savait pas courir vite. Elle avait conscience que son monde de ténèbres sans obstacles n’était pas le monde hostile dans lequel elle se mouvait réellement. Le Maître arriva presque aussitôt. Elle sut immédiatement que c’était lui lorsqu’elle sentit le sol trembler à chacun de ses pas. Il avait l’air gros. Il s’exprima d’une voix humaine mais au léger accent sifflant, reprochant à Lauralee d’avoir causé beaucoup de tort à ce qu’il appelait la Cause, expliquant que le « chien à l’épée » avait causé des pertes dans ses rangs. Il la frappa à deux reprises, d’une poigne de fer. La prêtresse qui n’était pas du tout un gros gabarit n’encaissa pas bien les coups et chancela immédiatement. Mais avant qu’elle ne s’effondre, la créature l’empoigna par le col et la souleva de terre, lui promettant une mort pleine de souffrance et d’humiliation, lui annonçant qu’il comptait appeler ses hommes afin qu’ils puissent jouir d’elle avant de l’achever.

Sitôt ces mots prononcés, Lauralee hurla, espérant naïvement que quelqu’un se trouverait aux alentours. La créature la propulsa à quelques mètres devant lui. Sous le choc de l’impact, la prêtresse eut à peine le temps de lancer un sanctuaire et de se rendre invisible que la créature était déjà sur elle. Les nombreuses meurtrissures que la jeune femme avait endurées l’avaient empêchée de bouger sitôt son sanctuaire mis en place. La créature n’eut donc pas de mal à la trouver et lui fit payer son audace. Elle la frappa si fort que Lauralee ne comprit même pas à quels endroits, tant son corps lui faisait mal de partout.

Lorsque la créature s’éloigna, la jeune femme gisait à terre, le souffle court et incapable du moindre mouvement. La vie lui échappait tandis que le sang se répandait lentement autour d’elle. A cet instant elle ressentit ce qui l’avait tant torturée au début : la solitude. Personne n’était là pour elle. Elle avait toujours été seule parmi les ténèbres qui l’entouraient quotidiennement. Elle croyait avoir atteint le summum du désespoir jusqu’à ce qu’elle entendit un homme arriver auprès d’elle. A l’entendre rire devant ce spectacle pitoyable, elle sut qu’il s’agissait d’un autre sbire. Lauralee tenta de se persuader qu’il ne s’agissait que d’un corps après tout, qu’il avait déjà été mutilé par le passé, que personne ne pourrait violer son esprit. Non. Elle se mentait à elle-même. Elle n’avait pas du tout envie qu’un imbécile la touche. Dans un ultime affront, elle entendit l’homme s’adresser à son dieu :
« Regarde, Ashen Kai, regarde ! Regarde ce que je vais faire à ta prêtresse ! »
A cet instant le désespoir qui envahissait Lauralee laissa place à une colère profonde. Qu’il l’insulte elle, c’est une chose, mais Ashen Kai… Elle ne put ouvrir la bouche pour émettre le moindre son mais elle pria quand même. Dans sa tête. Elle pria de tout cœur Ashen Kai de lui venir en aide et s’excusa de s’être abandonnée au désespoir l’espace de quelques instants. Lorsque l’homme se pencha sur elle en soulevant sa robe, Lauralee ne cessa de prier.

Quand, soudain, l’homme se trouva interrompu par des cris. La jeune femme reconnut ceux d’Hilizil, Véline et Xing. Elle n’était pas seule et ne l’avait jamais été. Elle sombra alors dans l’inconscience, le sourire aux lèvres.

Sujet: Re: [Lauralee] Les yeux de l'âme Jeu 4 Nov 2010 - 7:00

Une visite à la bibliothèque.

Un silence encore plus pesant que d’ordinaire se fit immédiatement. Lauralee chuchota alors à son ami « Hmm… tout le monde me regarde ? ». Son accompagnateur confirma, embarrassé par la situation. Il faut bien avouer que voir une aveugle entrer dans la bibliothèque en aurait laissé plus d’un muet de stupéfaction. Néanmoins, par bienséance, la plupart des personnes présentes retournèrent à leur occupation initiale, mais non sans suivre discrètement la prêtresse d’un regard en coin.

Lauralee se dirigea vers les rayons du fond, et fit signe à son ami de commencer. Celui-ci soupira :
_ Bon alors… là il y a plein de livres qui parlent de l’occulte, on …
_ … surtout pas !
_ bon… sinon il y a des romans d’amour là…
_ … encore moins, pouffa Lauralee.
_ bon que veux-tu exactement ? S’exaspéra l’homme.
_ Je ne sais pas trop, il n’y a rien pour le développement personnel ?
_ Si, plus loin.
Quelques mètres plus loin, le même manège recommença :
_ Tiens, y’en a un qui parle d’Ashen Kai là !
_ Oh ! Quel est le titre ?
_ « Les préceptes d’Ashen Kai ou l’art du bien vivre, expliqués par R. Morlas ».
_ Parfait ça ! S’enthousiasma la prêtresse.
_ Là il y en a un autre qui va te plaire « Le droit chemin : le comprendre, le trouver et le suivre par Dame Descart. »
_ Formidable ! Oh celui-là il le faut absolument !
_ Mais je croyais que c’était pour occuper un aventurier qui s’ennuie le soir ? S’étonna l’ami de Lauralee.
_ Ben oui, et alors ?
_ Hé bien… comment te dire… tu crois vraiment qu’il va s’amuser avec ça ?
_ Il n’a pas dit s’amuser. Il a dit se distraire. Lauralee croisa les bras.
_ Bon, bon… je lui en prends un troisième dans le même genre et on rentre ? La pause est bientôt terminée.
_ Oui, merci bien.

Lauralee ne vit pas son ami changer de rayon pour glisser le troisième livre sur la pile. Le jeune homme se dit en effet que le pauvre malheureux à qui étaient destinés ces livres ne serait que trop heureux d’en avoir au moins un susceptible de lui plaire. Aussi, le chargé de la bibliothèque ne fut-il pas peu surpris lorsqu’il découvrit le titre du troisième livre, très différent dans son genre comparé aux deux précédents :
« L’art du combat en trois leçons : s’armer, esquiver, massacrer. »

Sujet: Re: [Lauralee] Les yeux de l'âme Ven 5 Nov 2010 - 9:20

Une nuit à songer.

Cette nuit là, Lauralee ne parvenait pas à dormir. Elle avait beaucoup trop chaud et craignait par-dessus tout de refaire un cauchemar. Autrefois, dormir était ce qu’elle préférait… L’espace d’un songe, elle avait en effet l’impression de recouvrer la vue et de baigner à nouveau dans le monde qu’elle avait connu. Mais le passage des ans avait bien entamé sa vision initiale du monde, et ses songes ne ressemblaient plus qu’à un ramassis de couleurs ternies, de cris et, parfois, d’images fugaces. Lasse de tourner et de retourner dans son lit, elle se leva lentement. Dans cette chambre qu’elle connaissait sur le bout des doigts, elle parvint rapidement à la fenêtre qu’elle ouvrit délicatement, tentant de ne pas faire trop de bruit. Le souffle d’air frais se fit ressentir instantanément. Ses longs cheveux raides se soulevèrent un bref instant avant de retomber mollement sur ses épaules. Elle inspira lentement et s’accouda à sa fenêtre, profitant de la fraîcheur de la nuit et du silence relatif du quartier marchand.

Son esprit commença alors à se disperser, passant en revue tous ceux qui lui causaient du souci. Il y avait tout d’abord Veline. Depuis sa fuite elle la voyait fort peu et s’inquiétait sans cesse au sujet de sa sécurité. Elle lui avait bien proposé de la cacher chez elle, mais l’elfe avait gentiment refusé. Et tout ceci à cause de la dame Celanil… Plus aucune nouvelle de cette folle dangereuse qui avait encore tenté de la tuer. Elle repensa brièvement au moment où les soumis les encerclaient, Lauralee ne se souvenait plus de ce qui s’était passé exactement. Elle était bien trop concentrée à préserver un cercle de protection divin autour de ses amis. Elle ne se souvenait que d’odeurs nauséabondes, de cris, et finalement, d’une main tendue en sa direction. Il y avait aussi Ashrakh à qui elle avait encore parlé de ce dont il ne fallait pas. La première fois il avait manqué l’égorger sur place, cette fois il était simplement parti. Il y avait amélioration. Mais elle attendrait un moment avant de recommencer.

Elle pensa ensuite à l'ennemi de celui-ci, Xing. Il avait exagéré. Il n’avait pas mesuré ses propos et s’était montré trop brutal. Mais elle fut prise de remords lorsqu’elle repensa à sa visite quotidienne au temple des neufs l’après-midi. Une amie lui avait indiqué la présence de Xing, qu’elle allait saluer d’ordinaire. Cette fois elle l’avait délibérément ignoré. Le ton très embarrassé de son amie lui parvenait de nouveaux aux oreilles « Je ne suis pas du tout sûre mais… je crois qu’il nous a regardées… Il n’avait pas l’air bien, Lauralee ! ». Son amie avait toujours eu l’art de dramatiser les choses… Elle ne la croyait pas mais jugeait qu’elle avait raison sur le fait qu’il fallait cesser cette comédie. Ces elfes étaient tellement étranges… Elle avait souvent du mal à les comprendre. La dame Oon’is ne faisait pas exception. La pauvre était harcelée ces temps derniers. Elle vivait mésaventure sur mésaventure, et restait cependant fière. Lauralee l’admirait pour cela. Mais cet acharnement contre cette femme commençait à la fâcher. Tout cela devait cesser. Mais si les elfes la laissaient souvent désarçonnée, les humains ne faisaient pas exception. Cet homme… Alek… lui aussi était étrange. Elle lui avait tenu tout un discours afin de s’excuser de son attitude méfiante vis-à-vis de lui-même, expliquant qu’elle avait souvent été trahie par des apparences trompeuses. Mais elle l’avait trouvé fort aimable. Lauralee fut prise d’un léger rire. Elle n’avait pas tenu bien longtemps… Il avait suffi qu’il lui murmure quelques mots pour qu’elle lui fasse presque confiance. Dame Oon’is lui avait répété qu’elle était trop gentille. Elle connaissait sa naïveté, tentait régulièrement d’en venir à bout. Mais, du haut de ses vingt-trois ans, le combat était difficile.

Elle songea finalement à Isendeul. Tout ce qu’on racontait à son sujet l’affligeait. Chaque acte ignoble qui lui était prêté lui donnait l’impression d’un coup de poignard. Et le pire était qu’au final, elle ne savait même pas s’il s’agissait de rumeurs fondées ou de simples médisances. Elle repensa avec effroi aux propos de la dame Oon’is : « C’est vous qu’il vise, Lauralee, parce que vous êtes son exact opposé. ». La jeune prêtresse n’en croyait pas un mot. Il avait toujours, ou presque, était aimable avec elle.
Tandis qu’elle se laissait submerger par ses pensées, elle crut entendre un bruit à quelques mètres en-dessous d’elle. Lauralee réprima un cri avant de refermer la fenêtre rapidement. Elle respira ensuite lentement afin de se calmer. Elle s’était sentie observée, en pleine nuit, dans un coin isolé du quartier marchand. Toute cette histoire la rendait folle. Il fallait que cela cesse. Elle devait en avoir le cœur net. Elle se dirigea alors vers son bureau d’où elle retira le matériel nécessaire. Elle posa le tout au-dessus de sa tenue de travail. Elle avait une lettre à faire écrire, demain.

Sujet: Re: [Lauralee] Les yeux de l'âme Sam 6 Nov 2010 - 11:22

La statuette d'or.

La mère de Lauralee regardait sa fille avec anxiété. Elle n’avait vraiment pas l’air dans son état normal. Mais lorsqu’elle la vit prendre la petite statuette qu’elle aimait tant en s’éloignant vers la sortie, elle ne put se contenir davantage :
_ Ah ! Mais ! Que me prends-tu ma petite statuette ?!
_ Ce n’est pas la tienne, à la base. C’est un cadeau que l’on m’a fait, répondit Lauralee d’une voix lointaine.
_ Mais tu sais bien que je l’adore ! Tu sais ce qu’elle représente pour moi. Où l’amènes-tu ainsi ?
_ Dans un lieu plus approprié.
_ Tu ne me la rendras pas ?
_ Non. Lauralee croisa les bras.
_ Mais pour quelle obscure raison ?
_ Je ne veux plus jamais savoir cette horreur chez nous.
_ Ah misère, ma fille perd complètement la tête ! Un jeune homme lui offre un cadeau et elle, elle… elle…

La vieille Doriane eut un éclair de lucidité. Elle s’avança lentement vers sa fille en l’examinant de ses yeux chassieux, parlant plus lentement, avec précaution :
_ Tu… tu t’es disputé avec… c’est cela ?
_ Oui. Et écoute-moi bien, maman. Ne laisse personne, et je pèse mes mots, je suis désolée si je te fais peur mais c’est nécessaire. Ne laisse plus personne entrer dans cette maison. Tu comprends ? Vraiment personne.
_ Qu’est-ce qui se passe ? S’inquiéta la vielle femme.
_ Tu m’as bien comprise ? Je ne plaisante pas du tout.
_ Oui, j’ai compris, mais la statuette… elle est tellement jolie… Où vas-tu la mettre ?
_ Je te l’ai dit, je vais la remettre à sa place.

Lauralee sortit de chez elle rapidement, refermant la porte à la volée. Elle contourna quelques maisons afin d’atteindre la place centrale du quartier marchand. Puis elle poursuivit sa route et s’avança lentement vers une sortie d’égouts. Elle délimita clairement la périphérie de celle-ci avec son bâton, puis souleva la statuette au-dessus, avant de la lâcher à l’intérieur. Elle repensa avec nostalgie au moment où il la lui avait offerte. Il était tellement différent à cette époque... Elle entendait de nouveau sa voix lui parler avec gentillesse. Mais qu'était-elle en train de faire ? Lorsqu’elle entendit le son distinct du choc provoqué par le contact de la statuette et du liquide nauséabond, Lauralee secoua la tête. Il fallait vraiment qu'elle cesse d'être trop gentille avec tout le monde. Elle prononça une dernière phrase avant d’aller travailler, d’un ton sec qui ne lui était pas coutumier « Elle est là, ta place. ».

Sujet: Re: [Lauralee] Les yeux de l'âme Dim 7 Nov 2010 - 8:35

Visite nocturne.

Lorsque Lauralee se réveilla ce matin là, elle se sentait beaucoup mieux. Un bon bain l’avait débarrassée de toute la crasse accumulée dans les égouts et la nuit avait apaisé toutes ses frayeurs. Pour une fois, elle apprécia de ne pas avoir à aller au travail, car son corps ressentait encore les séquelles de la veille. Elle s’étira longuement, s’habilla lentement, se coiffa, et ouvrit la porte de sa chambre. Elle tomba nez à nez avec sa mère, qui était particulièrement de bonne humeur ce jour là :
_ Oh, j’allais te réveiller, ça fait des heures que tu dors !
_ J’avais besoin de récupérer, répondit Lauralee d’une voix endormie.
_ Bien, je t’avais dit que je devais m’absenter aujourd’hui, donc j’y vais.
_ Oui, à ce soir, répondit Lauralee en esquissant un faible sourire.

Sa mère tourna les talons, commença à descendre les marches de l’escalier, mais s’arrêta en plein milieu, hélant de nouveau sa fille :
« Ah au fait ! Merci de m’avoir ramené ma petite statuette ! J’étais ravie de la revoir à sa place ce matin ! »
Lauralee n’eut pas le temps de répondre que la vieille femme était déjà sortie. La prêtresse se figea sur place. Cette maudite statuette, elle l’avait jetée dans les égouts la veille… Impossible. A moins que… Elle se rua dans l’escalier, manquant de rater une marche, puis parvint jusqu’à la petite commode où était habituelle posée la statuette. La jeune femme approcha lentement sa main, qui rentra en contact avec un objet. Elle l’attrapa et promena fébrilement ses doigts dessus, afin de l’identifier. Lauralee vacilla, sous le choc. C’était bien elle. Elle la renifla rapidement : aucune odeur. Elle avait été parfaitement nettoyée. Elle la reposa lentement, réfléchissant à toute vitesse. Une seule possibilité : il était entré chez elle.

Sa respiration s’accéléra, et la panique la gagna en moins de deux. Elle se rua vers la porte : la serrure était impeccable. Elle essaya ensuite toutes les fenêtres : aucune brisée, toutes fermées. Elle commença alors à passer en revue toute sa maison, promenant sa main partout afin de vérifier que rien n’avait bougé. Rien. Elle monta dans sa chambre, pâle, espérant encore moins trouver un quelconque désordre dans ce lieu qui lui était si cher. Lorsqu’elle passa sa main sur le bureau, elle trouva quelque chose. Elle était pourtant sûre qu’il n’y avait rien la veille, elle aimait savoir son bureau impeccable. Elle identifia l’objet très rapidement : une lettre. Elle enragea de ne pouvoir la lire et réfléchit à toute vitesse. Elle ne pouvait se permettre de la faire lire à sa mère. Une lettre d’Isendeul qui avait visiblement retrouvé son cadeau jeté dans les égouts, il ne devait sûrement pas être très aimable… Elle attrapa son sac à la hâte, enfouit la lettre à l’intérieur et sortit de chez elle à toute vitesse. Elle prit néanmoins le temps de passer chez le forgeron afin de faire renforcer la sécurité de sa porte et se mit à chercher une connaissance de confiance dans les rues de Léanbruun…

Sujet: Re: [Lauralee] Les yeux de l'âme Mar 9 Nov 2010 - 9:49

Le départ de la mère.

Pendant qu’elle lui parlait comme une mère réprimanderait son enfant, Lauralee prit soudainement conscience qu’elle se trouvait en tête à tête avec l’un des hommes les plus dangereux de la ville. Elle se demanda alors si elle avait peur. Oui, un peu. Mais pas trop. Elle savait d’expérience qu’il fallait toujours rester méfiante mais savait aussi que de toute manière, personne ne pourrait venir à son secours si ça tournait mal. Elle ne le ménagea pourtant pas dans ses propos, sachant très bien qu’il se serait jeté sur toute autre personne lui disant des choses pareilles. Il détestait les ordres, il détestait les reproches et il détestait qu’on lui parle de son passé. Il avait pourtant gardé son calme et était même resté aimable jusqu’à la fin de la conversation. Lorsque les cris des soldats se firent entendre au-dessus de leurs têtes, ils jugèrent qu’il était temps de terminer l’entrevue.

Lauralee sortit rapidement des égouts et rejoignit ses amis dans l’enclave des soumis, malgré quelques protestations de soldats qui ne voulaient pas la laisser passer afin de préserver sa sécurité. Le chef des soumis la mit hors d’elle-même. Tandis qu’il parlait elle imaginait les gens qu’elle aimait se faire sauvagement massacrer… Lorsque Véline parvint à obtenir vingt-quatre heures de répit en gagnant un duel, Lauralee en profita pour s’éclipser et gagner le quartier marchand à toute vitesse.

Elle ouvrit la porte de chez elle et, dans la précipitation, ne prit même pas la peine de la refermer derrière elle. Elle cria pour appeler sa mère, se trouvant dans l’entrée. La vieille femme descendit les escaliers aussi rapidement que son âge le lui permit :
_ Qu’est-ce qui se passe ?!
_ Prends quelques affaires dans un sac, vite. Il faut que tu quittes la maison dans les minutes qui suivent.
_ Pourquoi ? La vieille femme savait que sa fille était d’un naturel raisonnable et qu’elle ne demanderait pas une chose pareille sans raison bien solide. L’inquiétude la gagna aussitôt.
_ Les soumis vont attaquer la ville. Ils ne comptent s’en prendre qu’aux esclavagistes, mais nous ne sommes pas à l’abris d’erreurs et de répercussions sur les autres…
_ Mais ils savent bien qu’une prêtresse d’Ashen Kai n’aurait jamais toléré une chose pareille, non ?
_ Oui mais bon… ils ne savent pas tous où j’habite et en plus j’ai un peu énervé leur chef… Je crains des représailles, cette maison n’est plus sûre.
_ Mais je ne sais pas où aller, moi !
_ On va trouver.
Pendant que la mère de la jeune femme rassemblait encore quelques affaires à la hâte, un voisin ami de la vieille femme passa la tête à travers l’encadrement de la porte ouverte. Il expliqua à Lauralee qu’alerté par le grabuge, il avait tout entendu, et qu’il comptait éloigner sa famille également. Il proposa ainsi à la jeune prêtresse d’emmener sa mère avec lui, se rendant au hameau où il avait de la famille et pourrait la loger. Lauralee, soulagée, accepta immédiatement.

Elle eut un pincement au cœur au moment de dire au revoir à sa mère, qu’elle avait accompagnée jusqu’à la sortie de la ville. Elle retourna ensuite chez elle, refermant la porte à double tour. Elle se retrouvait à présent seule dans cette maison silencieuse… et elle détestait ça.

Sujet: Re: [Lauralee] Les yeux de l'âme Mer 10 Nov 2010 - 17:55

Un nouveau colocataire.

Lauralee ouvrit la porte de chez elle sans faire de bruit, attendant qu’il rentre discrètement avant de refermer. Etant un fugitif toujours recherché, elle avait jugé bon de le mettre sous sanctuaire pour lui faire faire le chemin jusqu’à chez elle. Elle le laissa allumer les bougies, n’ayant pas l’habitude de ce genre de détail.

La première chose qu’il remarqua, ce fut le petit papier qu’elle avait placardé derrière sa porte. Ashrakh l’arracha d’un geste rapide et l’examina, haussant un sourcil :
_ C’est quoi ce papier ?
_ Ben… c’est pour lui dire qu’il arrête de venir chez moi, répondit naïvement Lauralee.
_ C’est complètement inutile, grommela-t-il avant d’écraser le papier dans sa main et de le lancer par terre. La preuve… on dirait qu’il est venu il n’y a pas longtemps…
Lauralee avait aussi senti l’odeur. Elle l’avait même sentie aussitôt la porte poussée. Elle entendit Ashrakh aller jusque dans la cuisine, et décida de le suivre, curieuse. Elle n’avait pas besoin de voir son visage pour sentir tout le mépris qu’il exprimait à travers le ton employé :
_ On dirait qu’il vous a fait le dîner.
_ Ah… Mais ! Qu’est-ce que vous faites ?!
La jeune prêtresse n’eût pas le temps de faire un geste qu’Ashrakh était déjà en train de déverser toute la nourriture dans la poubelle. Il répondit en soupirant :
_ C'était surement aussi infect que le cuisinier.
_ C’est malin ! Et je vais manger quoi, moi, maintenant ? Lauralee croisa les bras.
_ Il faut savoir ce que vous voulez ! Il doit y avoir plein de bonnes choses par là !
Lauralee entendit Ashrakh ouvrir maladroitement les placards qu’il croisait. Au bout d’un moment, il sembla avoir trouvé quelque chose. Il lui brandit triomphalement sous le nez quelques gâteaux au miel que sa mère avait rapportés quelques jours plus tôt :
_ Hé ben voila !
_ Ce n’est pas un repas, ça.

Lauralee tenta de mordre dans un des gâteaux, et lorsqu’elle se rendit compte qu’elle avait manqué de peu de s’arracher une dent, elle le jeta à la poubelle en soupirant.
Elle monta à l’étage quelques instants et redescendit lentement, une couverture et un coussin dans les bras. Elle posa le tout sur le canapé tout en expliquant :
_ Bon… Vous, vous dormez ici. Et si vous croisez Isendeul, ne le trucidez pas sur place...
_ Quelle amabilité… Vous êtes toujours comme ça avec les gens que vous invitez ? Sinon je dois faire quoi lui proposer de partager ma couche ?
_ C’est vous qui vous êtes invité chez moi, à la base, répondit Lauralee, agacée.
_ Ça peut encore s'arranger un mot et je disparais !
Elle remonta les escaliers et ferma la porte de sa chambre soigneusement. Elle se jeta ensuite sur son lit en soupirant. Entre le grognon et le psychopathe, elle ne savait vraiment pas lequel était le pire…

Sujet: Re: [Lauralee] Les yeux de l'âme Jeu 11 Nov 2010 - 11:55

La révélation.

Allongée dans son lit, Lauralee ne parvenait pas à trouver le sommeil, une fois de plus… Soucis sur soucis s’abattaient toujours sur elle, et à chaque fois qu’elle croyait en avoir terminé, un nouveau lui tombait dessus en pleine figure. Elle ne comprenait pas ce qu’elle avait fait pour mériter ça. Elle faisait simplement de son mieux pour aider les autres, et voilà ce qu’elle gagnait en retour…

Elle repensait au moment où Ashrakh lui avait dit qu’il avait besoin de lui parler de quelque chose de délicat. Elle aurait dû se douter à son ton qu’il s’agissait encore d’une mauvaise nouvelle. Mais elle n’aurait jamais pu imaginer à quel point. Lorsqu’il lui avait fait cette révélation, elle avait eu l’impression que tout s’écroulait autour d’elle. Elle avait senti son coeur battre à une vitesse folle, l'entendant comme si on le lui avait arraché pour le lui faire écouter. Heureusement qu’il y avait eu un mur auquel se tenir parce qu’elle se serait sûrement écroulée par terre. Elle avait rapidement essuyé ses larmes pour ne pas alerter les autres. La jeune prêtresse avait subitement pris conscience de la dangerosité de l’individu qui se trouvait à quelques centimètres d’elle. Sa naïveté la perdrait… On le lui avait toujours répété. Mais n’était-elle pas aussi ce qui la sauvait ? N’était-ce pas ce qui avait réussi à apitoyer Ashrakh ? S’il disait vrai, alors elle pouvait avoir confiance en lui. Mais pas totalement. Pas jusqu’à ce qu’il réponde enfin à la question qu’elle ne cessait de lui poser.

Lauralee en avait assez de n’être qu’un pion à qui on ment sans cesse et qu’on manipule à l’envie. Elle n’avait que vingt-trois ans et avait passé la moitié de sa vie baignée par l’innocence de l’enfance avant qu’on lui ôte brusquement la vue. Elle n’avait jamais eu droit à la moindre transition. C’était toujours la même phrase sur la bouche des autres « Lauralee, elle est gentille. » Elle en avait assez d’être gentille… Mais c’était plus fort qu’elle. Parmi tous les sons de cloches différents, elle ne savait plus lequel écouter. Alors elle faisait confiance… en craignant toujours d’avoir fait le mauvais choix …

Sujet: Re: [Lauralee] Les yeux de l'âme Ven 12 Nov 2010 - 7:58

Apaisement.

Lauralee rentra tôt ce matin là. Une fois de plus, elle avait été attaquée sur la route de Sous-colline par les hommes de Mageax. Elle et Ashrakh avait été obligés de courir jusqu’au petit village halfelin afin d’être en sécurité. Une fois arrivés à l’auberge, la prêtresse avait lutté pour bénéficier de sa propre chambre, malgré les railleries et le chantage de l’elfe qui s’amusait beaucoup. Pourtant, elle ne dormit pas une seule heure. Elle avait en effet passé la nuit à écouter l’histoire de cet assassin, histoire qui l’avait profondément émue. L’espace de quelques heures, elle en avait voulu à tous ceux qui ne le toléraient pas, qui le jugeaient sans avoir cherché à le comprendre. Le sergent Vassili, le fanatique Arthur, le taciturne Xing, et tous les autres… A présent elle savait tout. Et elle lui faisait entièrement confiance. Le chemin du retour se fit dans le silence total, d’une part parce que les deux craignaient d’attirer l’attention d’éventuels sbires de Mageax, d’autre part parce qu’ils se remémoraient le récit de la nuit.

Lorsqu’elle parvint devant la porte de la ville, Lauralee se rendit compte que l’elfe lui avait faussé compagnie. Elle rentra chez elle rapidement, se sentant agressée par le froid de la matinée. Elle referma la porte soigneusement et rangea tout ce que l’elfe avait dérangé, se retrouvant de nouveau seule chez elle. Finalement, elle avait grandement apprécié avoir de la compagnie, même si cela n'avait duré que deux jours. Elle détestait tant la solitude... La jeune femme avait des heures de sommeil de retard mais ne souhaitait pourtant pas dormir. Elle avait envie de se changer les idées. Elle alla dans sa chambre chercher la couverture de son lit d’une main, le livre qu’on lui avait prêté la veille de l’autre, et descendit lentement les escaliers. Habituellement c’était sa mère qui allumait la cheminée. Lauralee n’avait plus le droit de le faire suite à un accident qui lui avait coûté cher, à l’époque. Alors elle s’enroula dans la couverture avant de se pelotonner sur le canapé, puis se concentra sur l’ouvrage mystérieux.

Nebril lui avait assuré qu’elle n’avait pas besoin d’yeux pour ce livre là… ce qui la laissait perplexe. Elle tourna quelques pages avant de promener sa main droite sur la feuille. Puis elle sentit l’odeur du relief que rencontraient ses doigts. Il s’agissait d’un herbier. Elle sourit. La jeune femme avait elle-même de nombreuses herbes rangées dans des bocaux sur une étagère de sa chambre. Elle les avait sûrement mal trillées et en avait sûrement mélangées quelques unes, mais elle y avait passé du temps. Lauralee passa ainsi sa matinée à parcourir l’ouvrage, s’amusant à essayer de repérer les herbes, mais en découvrit le plus grand nombre qui lui était totalement inconnu. Et, tandis qu’elle tournait les pages en se noyant dans un monde de parfums agréables, elle s’endormit progressivement…

Sujet: Re: [Lauralee] Les yeux de l'âme Sam 13 Nov 2010 - 11:04

Le tribunal, et l'après.

Lorsque Lauralee fut appelée à témoigner du côté de l’accusation, elle ne fut pas surprise. Ayant été la guérisseuse personnelle de Celanil, elle savait pertinemment que les enforceurs la feraient témoigner en faveur de cette folle. Elle prit soin de s’asseoir à une chaise d’écart de la sombre arcaniste mais ces quelques mètres gagnés ne suffirent hélas pas à la faire taire. La discussion fut houleuse. Lauralee prenait soin de ne pas manquer de respect à cette folle dangereuse jusqu’à ce que celle-ci la menace ouvertement. Elle lui annonçait ce qu’elle savait déjà. Qu’elle voulait la « garder pour la fin ». En d’autres termes elle souhaitait la faire lentement souffrir avant de l’achever. Ce fut la phrase de trop. Et lorsque l’elfe reprocha à la prêtresse de ne pas savoir à qui elle avait affaire, Lauralee répondit qu’elle savait très bien qu’elle n’était qu’une perverse sadique au désir insatiable de pouvoir. Ce qui fit rire Celanil. Mais peu importe. C’est fou comme cette phrase l’avait soulagée… Elle éclata même de rire lorsque suite aux avances de Celanil se proposant de s'offrir sur de la paille Georges avait répliqué qu'il avait trop peur d'attraper la même maladie que Jorgen et Sekt.

Les minutes lui semblèrent une éternité jusqu’à ce que Véline soit finalement relâchée. Lorsque Lauralee lui proposa de venir chez elle, l’elfe accepta immédiatement. La prêtresse en fut à la fois heureuse et peinée. Ce soir là elle ne dormirait pas dans une maison vide. Mais d’un autre côté, Véline avait à plusieurs reprises refusé l’hospitalité de Lauralee. Si elle acceptait, c’est qu’elle devait vraiment être mal.
La jeune femme fit rentrer Véline chez elle, non sans attirer les regards indiscrets de certains voisins encore debout. Aussitôt la porte fermée, l’odeur parvint aux narines des deux femmes :
_ Tiens, vous aviez préparé le repas ? S’étonna l'elfe.
_ Oh, rapidement, rapidement, répondit Lauralee d’un sourire crispé.
Elle guida Véline à l’étage et lui fit couler un bain. Elle sentait ses mains trembler à chaque geste qu’elle faisait. Elle espérait que l’elfe ne s’en apercevrait pas. Elle referma la porte derrière elle, la laissant se reposer dans le bain. Puis elle descendit à la cuisine.

Il était encore venu chez elle et il n’avait pas perdu de temps. Sitôt Ashrakh parti…
La jeune femme se jeta sur le canapé, réfléchissant à toute vitesse. Il ne fallait pas en parler aux autres. Ils traqueraient d’autant plus Isendeul alors qu’il ne faisait que lui rendre service et prenait soin d’elle. Il ne méritait pas ça. Après tout elle ne savait pas cuisiner. Et puis… c’était bon. Elle se mit à rire à cette pensée. Mais ce n’était pas aussi simple. C’était surtout le fait de ne pas pouvoir le voir qui l’effrayait. Qu’est-ce qui lui disait qu’il n’était jamais dans une pièce, à quelques mètres d’elle, sans faire de bruit ? Qu’est-ce qui lui disait qu’il n’habitait pas la maison plus longtemps qu’il ne le faisait croire ? Qu’est-ce qui lui disait qu’il n’était jamais en train de l’observer dans sa chambre, ou pire, dans sa salle de bain ? Et elle n’avait absolument aucun moyen de le vérifier. Elle secoua la tête. Voila, elle devenait vraiment paranoïaque. Il avait très certainement bien mieux à faire de ses journées, elle le savait. Mais elle ne parvenait pas à se défaire de l’angoisse provoquée par toutes ces questions. Ses pensées furent interrompues par Véline qui redescendait. Lauralee se redressa, puis soigna les plaies de la jeune elfe. Elle lui fit partager son repas, ne lui disant pas de qui il provenait car elle avait vraiment besoin de reprendre des forces. Elle installa ensuite l’elfe dans la chambre de sa mère et se retira dans la sienne. L’idée de la chambre de sa mère vide la dérangeait. Mais cette fois, c’était sûr, il ne fallait pas la faire revenir tout de suite. Elle était plus en sécurité au hameau. Du moins, pour l’instant…

Sujet: Re: [Lauralee] Les yeux de l'âme Mar 16 Nov 2010 - 9:34

La dame rouge.

Assise à côté d’un vieil homme à l’agonie, Lauralee sombrait dans ses pensées. Elle avait réconforté le mourant, ils avaient prié ensemble toutes les divinités, elle lui avait donné tout ce qu’elle pouvait pour amoindrir ses souffrances et se contentait, à présent, de lui tenir la main jusqu’à ce qu’il expire son dernier souffle. Le silence aurait pu être pesant pour la plupart des non habitués, mais la jeune femme entendait parfaitement la respiration irrégulière du vieillard.

Le son du souffle lui rappela immédiatement l’apparition de la dame rouge. Certes, elle ne l’avait pas vue. Mais c’était tout comme. Elle avait de nouveau ressenti cette présence dérangeante, présence déjà rencontrée dans la tour de Celanil. Personne n’ignore que voir la dame rouge est un très mauvais présage.
Puis elle avait entendu Xing s’avancer vers l’apparition, et, machinalement, ils s’étaient tous avancés, attirés par une fascination incommensurable. Ce qui se passa par la suite, Lauralee ne le comprit pas sur l’instant. Ce furent ses amis qui le lui expliquèrent. La dame rouge souffla des pétales de fleurs de cerisier en direction du petit groupe. Ils tournoyèrent en tous sens avant d’atterrir mollement sur le sol. Sauf deux. Un qui se posa sur la tête de Xing, et l’autre sur le bras tendu de Lauralee. Personne n’eut le temps de demander une explication, la dame rouge disparut aussitôt son action accomplie, non sans se départir de son sourire énigmatique.

A présent Lauralee avait peur. Elle découvrait qu’il y avait pire que d’être la victime d’une prophétie par un être de mauvais présage : ne pas comprendre la prophétie en question. Elle avait aussitôt raconté cet épisode à Véline. D’abord parce qu’elle lui racontait tout. Ensuite parce qu’elle espérait secrètement que l’elfe aille voir le vénérable Jorgen pour lui demander son avis. Ce que l’elfe fit aussitôt. Depuis, la jeune prêtresse n’avait pas recroisé son amie et attendait avec une impatience grandissante une quelconque explication.
Ses pensées furent interrompues par la respiration plus frénétique du Vieillard.

Lorsque le vieil homme expira, la jeune femme lui ferma les yeux et récita une dernière prière de bénédiction. Elle se redressa ensuite lentement, récupéra ses affaires et sortit de l’hôpital. Elle grimaça légèrement en soupesant son sac. Il fallait vraiment qu’elle se débarrasse de ça. Elle l’avait négociée un moment pour Ashrakh et commençait presque à le regretter. C’était peut-être l’encourager dans une mauvaise voie… Mais surtout c’était lourd. Et dégoûtant.

» [BG] Lauralee*