Souvenirs de Geignard, à la recherche d'Hermeline, gardienne de son coeur.
La pluie bat le pavé de la grise ville. Elle éclate, infiniment sourdement, dans une galaxie d'explosions alentours. A la limite du rideau d'eau, des ombres se dessinent, de plus en plus précises.
J'ai rencontré ce matin, près de la rue des deux champs,
Une troupe de bambins, d'enfants et d'adolescents,
où allez-vous camarades avec vos bâtons ferrés ?
Nous ferons des empoignades pour le coeur de nos aimées.
La voilà la blanche Hermeline, vive la mouette et l'ajonc,
La voilà la blanche Hermeline, vive fougères et pinson.
Sous la pluie toujours battante, réunis en groupe autour de deux des leurs, les jeunes visages ruissèlent d'excitation. Les coups, de bâton et de pieds, pleuvent entre les combattants qu'ils acclament. Bientôt, l'un d'eux s'écroule et demande grâce. Le vainqueur s'approche alors des jeunes filles avant de mander à l'une d'elle un baiser. Celle-ci, haute et brune, s'avance, fière, et délivre son baiser avec toute la grâce dont elle est capable. Puis, deux autres combattants se placent au centre et entament une nouvelle danse de coups. Parmi les jeunes filles orgueilleuses qui regardent les garçons se battre pour elles, se trouve un visage pâle et dégouttant, aux cheveux blonds. Ses traits fins et évaporés se fixent. Au milieu des enfants, un nouveau duel s'engage. Un coup de bâton en direction des pieds est bloqué, vite répondu par un coup direct et douloureux au ventre. Le combat est promptement achevé par un dernier coup, à la joue, apprenant à l’enfant le goût de son propre sang. La nuit vient, les jeux guerriers se finissent, et la jeune fille blonde se détourne, seule, dans la ville.
Quelques années plus tard.
Hermeline approche, ses cheveux fins et blonds collés à son visage par le vent qui envole encore quelques flocons de neige, deci delà.
"Je vais partir, tu ne me reverras probablement plus. Plus jamais." Sur ces paroles, prononcées d'une voix douce et mélancolique, elle s'éloigne et s'évanouit dans l'aube naissante.
Hermeline, où as-tu disparu ? Jamais ta pensée ne me quittera et, probablement, je te retrouverai. Quand bien même cela doit être la quête de ma vie.